Psycho-Thérapeute Biarritz

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Lettre ouverte de Irvin D. Yalom à un jeune psy débutant

Le grand écrivain psychiatre, Irvin D. Yalom né en 1932, a écrit une lettre ouverte à un jeune confrère débutant.

L’idée étant d’être dans la transmission. Merci Monsieur Yalom.

 

« Cher confrère, cher ami,

 

Vous qui commencez votre carrière, j’ai envie de transmettre ce que j’ai appris. Le temps passe, le temps presse. Je ne saurais que trop vous recommander de «croitre selon votre loi, gravement, sereinement» sans attendre du dehors des «réponses que seul votre sentiment le plus intime, à l’heure la plus silencieuse, saura peut être vous donner».

D’abords essayez de vous détacher de l’obsession du diagnostic et de la prescription médicamenteuse qui aujourd’hui pervertie la profession. Les molécules pharmaceutiques n’offriront jamais de réponses adéquates aux questionnements métaphysiques, existentiels qui agitent et font souffrir ceux qui viennent nous voir.

Ces questionnements profonds ne peuvent pas être prit en compte dans la grille plate proposée par les manuels psychiatriques officiels qui ressemblent à un menu de restaurant chinois. Notre travail repose sur un processus progressif de dévoilement du patient à nous-mêmes, mais aussi et surtout à lui-même.

 

Établir  un diagnostic rétrécit notre perspective et notre vision des êtres. En standardisant notre approche, nous mettons en péril l’aspect humain, spontané, créatif et incertain de l’aventure thérapeutique. N’oubliez jamais que le secret de la réussite repose moins sur la résolution de l’énigme d’une vie que sur la relation nouée avec celui qui nous fait face. C’est elle qui soigne. Dans le  courant auquel j’appartiens, celui dit des « néofreudiens », nous ne contestons pas l’existence des pulsions internes misent à jour par Freud, mais nous sommes convaincus que notre environnement et les liens que nous nouons nous façonnent. Dans le rapport qui s’établie entre vous et le patient, tout va surgir : les difficultés, les angoisses, les inhibitions qui l’accablent, les trésors, les ressources qu’il peine à mobiliser. N’accordez pas une importance démesurée au passé du patient, «l’ici et maintenant» compte tout autant. De toute façon, il rejouera toujours dans la relation, ce qui l’a marqué. Tout s’y (re)joue : les crises du présent, les traumatismes soigneusement enfouis…

 

Ne perdez jamais de vue vos objectifs : la disparition des symptômes, l’atténuation des souffrances du patient d’une part et d’autre part, l’épanouissement, le développement personnel, le changement fondamental de son caractère, du point de vue sur soi et sur son environnement. Pour y parvenir, veillez au respect du cadre de la séance, les règles que vous établissez avec lui, mais ne vous crispez pas sur la théorie. Dites non au «protocole» ! Coulez-vous dans la singularité de la vie, à chaque patient sa thérapie. Contrairement à tout ce qui a pu être écrit sur la nécessité de ne rien révéler de notre intimité, j’ai pu vérifier que répondre aux questions personnelles permettait parfois de faire considérablement avancer le travail.

Ne vous refusez rien, mais respectez bien sûr l’étique de notre profession.

 

Observez. Observez les comportements à l’arrivée dans le cabinet, les commentaires face à la décoration, à vous-même, à votre tenue, le paiement des honoraires.

Réagissez, utilisez vos sentiments personnels face à ses déclarations, à ses actions, pour lui faire part avec tact des implications de ses remarques, de ses actes. L’idée est de lui renvoyer un peu une image de lui-même autre que celle qu’il a (ou pas) en tête, de lui faire traverser délicatement le miroir contre lequel il se cogne souvent, depuis trop longtemps.

 

Ecoutez les rêves, pillez-les, mettez-les à sac, c’est un outil inestimable d’exploration le plus riche, le plus révélateur de la créativité, de l’inventivité des êtres.

Ponctuez à la fin de la séance, terminez par une question sur ce qui s’est passé pendant ce moment et ce qui a été éprouvé.

 

Ne vous épuisez pas, retournez régulièrement en thérapie, ou en analyse pour vous ressourcer.

N’oubliez pas non plus de vous nourrir, peinture, sculpture, musique, philosophie, poésie… Tous les moyens sont bons surtout ceux là, pour élargir vos connaissances, sonder plus avant les profondeurs et capacités infinies de la  psyché humaine et vous panser. Car nous sommes les dépositaires de secrets. Et parfois, les secrets font mal.

Bien à vous.»

 

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15/04/2016
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